LES MARCHES PUBLICS : LE DROIT SUR LA PASSATION
A- Les règles d’attribution inhérentes au pouvoir adjudicateur
1- Critères d’attribution
Les critères d’attribution sont les éléments de base servant à l’analyse des offres et sont annoncés dans l’avis d’appel public à la concurrence, le règlement de la consultation ou la lettre de consultation à tous les soumissionnaires.
Texte en Vigueur : Article R. 2152-7 du Code de la Commande Publique
Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, l’acheteur se fonde :
a. Sur un critère unique qui peut être :
- Le prix, à condition que le marché ait pour seul objet l’achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d’un opérateur économique à l’autre.
- Le coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie défini à l’article R. 2152-9.
b. Sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s’agir des critères suivants :
- La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l’accessibilité, l’apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l’environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, d’insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal.
- Les délais d’exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l’assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l’interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles.
- L’organisation, les qualifications et l’expérience du personnel assigné à l’exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d’exécution du marché.
D’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution. Les critères d’attribution retenus doivent pouvoir être appliqués tant aux variantes qu’aux offres de base. Ces critères doivent être indiqués dans les documents de la consultation ainsi que les modalités d’attribution (art. R. 2152-11).
La doctrine s’est longtemps basée sur le seul critère prix (adjudication). Il est désormais recommandé de recourir à une multiplicité de critères pour juger de l’adéquation des offres aux besoins de l’acheteur. Si le prix peut toujours être utilisé comme critère unique d’attribution d’un marché, cette faculté est réservée aux marchés ayant pour seul objet l’achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d’un opérateur économique à l’autre. À défaut, c’est le critère unique du coût global qui pourra être utilisé.
La jurisprudence récente a précisé l’étendue des critères pouvant être retenus par le pouvoir adjudicateur. Selon un arrêt du Conseil d’État (CE, 7ème et 2ème chambre réunie, 25 mai 2018 – n° 417580), le marché public est attribué sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché public ou à ses conditions d’exécution. Ces critères peuvent inclure des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux, en plus du prix ou du coût.
2- Les Seuils des procédures et procédures
Les seuils permettent de déterminer le type de procédure de passation à utiliser et s’il est nécessaire de procéder à une publicité.
- Seuils de procédure
L’article R. 2122-8 du Code de la commande publique, modifié par le décret 2019-1344 du 12 décembre 2019, indique que l’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 euros HT ou pour les lots dont le montant est inférieur à 40 000 euros HT. La publicité est libre ou adaptée pour les montants entre 40 000 euros et 89 999,99 euros, et obligatoire au-dessus de 89 999,99 euros.
Ces seuils, issus des règlements de l’UE et régulièrement mis à jour, sont répertoriés dans l’avis du 1er avril 2019 relatif aux seuils de procédures et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique.
Seuils de procédure formalisée (2024 – 31 décembre 2025)
- Fournitures et Services :
- À partir de 143 000 € HT pour l’État et ses établissements publics
- À partir de 221 000 € HT pour les collectivités territoriales et les établissements publics de santé
- À partir de 443 000 € HT pour une entité adjudicatrice acheteur exerçant une activité d’opérateur de réseaux (électricité, gaz, eau, etc.)
- Travaux :
- À partir de 5 538 000 € HT
- Procédures de passation
L’appel d’offres, ouvert ou restreint, n’est plus la procédure de principe en raison des seuils. La procédure adaptée permet à l’acheteur de définir librement les modalités de passation du marché, dans le respect des principes de la commande publique (article L.2123-1 du Code de la commande publique). Elle peut être utilisée lorsque la valeur estimée des besoins est inférieure aux seuils de procédures formalisées. Ainsi, la procédure adaptée est possible pour les travaux jusqu’à 5 538 000 € HT et pour les fournitures et services jusqu’à 143 000 € HT pour l’État et 221 000 € HT pour les collectivités. Au-delà de ces seuils, la procédure formalisée devient la règle.
B- Les possibilités offertes aux soumissionnaires
1- Les variantes
Les variantes sont des modifications faites à l’initiative des candidats par rapport aux spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation. Le pouvoir adjudicateur doit déterminer l’étendue et les modalités de leur présentation lorsqu’elles sont autorisées (Article R. 2151-8 du Code de la commande publique).
- Variantes en procédure formalisée :
- En principe, les variantes sont interdites sauf mention contraire dans l’avis de marché ou l’invitation à confirmer.
- Elles sont autorisées lorsque le marché est passé par une entité adjudicatrice, sauf mention contraire dans l’avis de marché ou l’invitation à confirmer.
- Variantes en procédure adaptée :
- Les variantes sont autorisées sauf mention contraire dans les documents de consultation.
- Si les variantes ne sont pas autorisées, les candidats doivent présenter une seule offre conforme aux documents de consultation (CE, 12 mars 2012, 353826, Sté Clear Channel France).
Lorsque les variantes sont autorisées, les candidats peuvent proposer une offre de base respectant toutes les prescriptions du cahier des charges et une deuxième offre alternative modifiant certaines spécifications décrites dans le contrat.
Jurisprudence
Il est parfois délicat de distinguer entre une variante d’une offre et une offre complètement nouvelle. Par exemple, dans un litige sur un appel d’offres pour la réalisation d’un navire, la cour administrative d’appel a jugé que l’offre proposant un navire multicoque ne pouvait être considérée comme une variante d’un navire monocoque (CE, 28 juillet 1999, Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération et sté OCEA). De même, une offre respectant des normes non prévues dans le règlement d’appel d’offres ou la modification de la durée du contrat ne constituent pas des variantes (CE, 28 juillet 2000, Cne de Villefranche-de-Rouergue ; CE, 4 avril 1997, Cne de l’Ile d’Yeu).
Une autorisation de variante en cours de procédure de consultation ne constitue pas forcément une modification substantielle des conditions initiales du marché imposant une publicité rectificative (CE, 4 juillet 2012, 352714). Si l’autorité délégante autorise les variantes et compte retenir une telle offre, elle doit en informer les autres candidats pour leur permettre de modifier leur offre en conséquence (CE, 14 octobre 2019, Commune de Manigod, req. n°418317).
2- Les Documents communicables
La communication des documents relatifs aux marchés publics se fait au cas par cas, selon les avis de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA). La jurisprudence de la CADA distingue trois catégories de documents : les documents communicables sans restriction, les documents non communicables, et les documents communicables sous réserve du respect du secret en matière industrielle et commerciale.
Selon les avis de la CADA (Conseil n° 20161512 – Séance du 26/05/2016 Centre Hospitalier Asselin Hedelin Yvetot ; Avis 20161692 – Séance du 26/05/2016 GRAND DELTA HABITAT), il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n°375529), que les autorités doivent examiner si les renseignements contenus dans les documents relatifs à un marché public peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret en matière commerciale et industrielle et faire ainsi obstacle à leur communication.
Documents à occulter
Pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du Code des relations entre le public et l’administration imposent l’occultation des éléments suivants :
- Les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu’aux certificats de qualification concernant la prestation demandée.
- Toute mention concernant le chiffre d’affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics.
- Dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d’analyse des offres), les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
Principe de communication
Bien que la communication des documents soit de principe, elle doit occulter les mentions couvertes par le secret en matière industrielle et commerciale.